Interview de la famille Visart qui a accueilli les Badano à Nantes


Jean-Pierre : Connaissiez-vous les Badano avant ?

Catherine : Absolument pas pour moi. Je les avais juste vus lors de la retransmission de la béatification de leur fille Chiara. Mais je ne les avais jamais rencontrés auparavant.

Aurore : Pareille pour moi. J’étais là pendant la béatification et je les ai vus sur le grand écran. Je les ai vus mais pas de près.

Jean-Pierre : Lorsqu’on vous a appris que vous aviez été choisis pour accueillir chez vous les Badano, qu’est ce que vous vous êtes dit Michel et Catherine ?

Michel : C’est-à-dire qu’au départ quand on a su que les Badano devraient venir, au niveau du mouvement ici sur Nantes, on avait demandé quelles étaient les familles qui pouvaient être là. Nous en avions parlé et nous avions dit qu’il y avait la possibilité avec notre nouvelle maison de les accueillir. Mais on savait qu’il y avait aussi d’autres familles qui s’étaient proposées. Après c’est arrivé, c’est tombé sur nous. Bon c’était commode parce qu’on avait les possibilités matérielles qui faisaient qu’ils pouvaient venir chez nous.

Jean-Pierre : Aviez-vous mesuré la grandeur de l’événement dans la mesure où c’étaient des parents dont la fille était Bienheureuse ? Les aviez-vous reçus en tant que parents de Chiara Luce ou des personnes venues parler à la ville de Nantes?

Catherine : On les a reçus comme parents de Chiara luce. Moi je me suis sentie très humble devant eux. Je me sentais presque indigne de les recevoir. C’est vraiment comme un honneur qu’ils nous faisaient. En même temps je savais que c’était des gens simples et je me disais qu’il suffisait simplement de les aimer, les aimer simplement comme dans une famille. Et la meilleure façon de les accueillir était de faire famille avec eux. C’est vrai que nous aussi nous avions perdu une petite fille qui s’appelait Claire et inconsciemment nous sentions qu’il y avait cette chose là qui nous revient… qu’on était relié par nos « Claire » qui étaient parties déjà au Paradis.

Jean-Pierre : Sentiez- vous pendant leur séjour la présence de leur fille chez vous ?

Catherine : Ah oui tout à fait. Parce que l’unité qu’il y avait entre les parents et elle faisait qu’elle ne pouvait qu’être présente entre les deux. D’ailleurs la maman l’a dit une ou deux fois, elle nous l’a exprimé très fort qu’elle ressentait la présence de sa fille proche d’elle seulement dans le moment où elle est en union avec Dieu. Pas n’importe quand. Seulement dans le moment où elle était en union avec Dieu là elle sentait la présence de sa fille.

Jean-Pierre : Je reviens sur le choix de votre domicile. En avez-vous parlé à vos enfants pour avoir leur avis, car elles avaient aussi un mot à dire.

Catherine : Nous en avons parlé à nos enfants parce que le fait de loger la famille Badano -parce que ils sont arrivés quand même à quatre- cela supposait que nos enfants laissent leurs chambres. Il a donc fallu qu’elles soient bien d’accord sur ce fait là et qu’elles aillent loger à l’extérieur de la maison.

Jean-Pierre : Et vous les enfants, quelle a été votre réaction quand vos parents vous ont appris que des personnes exceptionnelles viendraient chez vous ?

Aurore : Moi j’étais très contente et je savais aussi que plusieurs personnes avaient proposé leur maison. Et moi dans ma tête je me disais « on a gagné, c’est nous qui les avons ! ». La deuxième chose que je me souviens est que je devais arranger ma chambre pour qu’elle soit vraiment impeccable pour les accueillir, qu’ils soient vraiment heureux de venir dans cette maison. J’étais tellement heureuse qu’ils viennent que même si je n’étais pas là cela ne me faisait pas de problème.

Jean-Pierre : Aviez-vous des moments particuliers tels les moments où vous passiez à table ou au salon pour causer ? Y a-t-il eu des petites confidences ou des choses particulières qu’ils ont laissé échapper ?

Michel
: C’était surtout de faire une vie simple avec eux. Il n’avait rien de très particulier sinon leur permettre aussi de se reposer parce que, vu leur âge et puis aussi le voyage -c’était la première fois qu’ils sortaient de leur pays. C’était pour moi de les accueillir. On a été se promener avec eux, leur faire connaître un peu Nantes, leur préparer au niveau de repas des choses un peu plus locales…une vie simple avec eux. C’est vrai qu’à un moment c’était les hommes qui se retrouvaient pour prendre l’apéro ou le digestif…

Jean-Pierre : Et pendant que vous preniez l’apéro, quel thème, quel sujet de conversation revenait souvent entre vous les hommes ou entre vous les femmes ? D’autant plus qu’ils sont restés trois jours chez vous…


Michel
: De la vie quotidienne. On parlait du programme, ce qu’il y avait à faire, comment on vivait avec nos enfants… mais ils n’étaient pas toujours obsédés à parler de Chiara Luce. Oui de temps en temps mais il y avait d’autres choses aussi….

Anne Cécile : Moi je me souviens, j’ai passé une soirée avec eux où on a mangé ensemble parlant de tout et de rien comme si on était des amis de tous les jours. On parlait de tout ce qui se passait de bien dans notre vie. Ce qu’on faisait…vraiment c’était très agréable. On ne sentait pas du tout qu’il y avait un mur, un fossé sur le fait qu’ils étaient quand même les parents d’une Sainte. On était à la même hauteur. C’était vraiment très agréable !

Jean-Pierre : N’aviez- vous pas eu comme l’impression qu’ils voulaient vous donner une directive en vous amenant à fixer votre regard sur leur Chiara ?


Anne Cécile
: Non pas vraiment…on leur a demandé… et ils sentaient aussi la joie que cela nous procurait qu’ils nous racontent quelque chose sur elle, vu que nous ne l’avions pas personnellement connue… mais eux ne se focalisaient pas …ils répondaient juste à nos questions.

Jean-Pierre : Quelles autres questions leur posiez vous ?

Anne Cécile : On leur parlait de ce qu’ils avaient ressenti, comment ils voyaient Chiara Luce, son évolution et son rapprochement plus envers Dieu et comment eux ils se sentaient par rapport à cela.

Catherine : Moi je dirais que je suis tout à fait d’accord avec Anne Cécile pour dire qu’ils n’ont jamais imposé leur vue ou leur vécu avec Chiara Luce. Ils n’ont jamais imposé cela… ça toujours été des réponses à nos questions dans lesquelles il y a une réciprocité parce qu’on était là à l’écoute et prêts à les entendre. En même temps je pense que c’était important pour eux parce que tout ce qu’on échangeait à table ils l’ont souvent redis dans les soirées avec les jeunes. C’était aussi comme une préparation pour eux. Moi ce qui ma frappé ce n’est pas tellement ce qu’ils ont dit ou redis après devant tout le monde mais c’est l’amour qu’il y avait entre eux avec aussi Chicca, la meilleure amie de Chiara Luce et avec Franz parce que cette qualité d’amour et ce rapport entre eux rendait vraiment tout ce qu’ils disaient très cohérent. Et cette cohérence était un élément supplémentaire pour accueillir tout ce qu’ils avaient à nous dire.

Anne Cécile
: Moi je dirais que c’est la bonté, la sagesse et l’humilité. Ils sont très humbles et ils ont une gentillesse et une bonté. Cela s’éparpille partout. C’est comme une lumière qui se propage un peu partout quand on les voit ou quand on les entend parler. Même si ce sont des choses tristes et dures on se sent comme apaisé et on ressent vraiment ce qu’ils ont ressenti.

Catherine : J’ajouterai en pensant à eux que c’est à la fois la simplicité de l’évangile et l’accueil de la grâce.

Aurore : Pour moi j’ai trouvé que c’est un couple très simple comme tout le monde l’a dit. Ils parlent tout naturellement de plein de choses et vraiment il n’y a pas que Chiara Luce qui les intéresse mas aussi nous connaître nous personnellement et beaucoup de fois ils nous ont dit qu’on ressemblait beaucoup à Chiara Luce et cela nous faisait vachement plaisir parce que nous à coté…on est rien comparées à elle. Ils parlaient vraiment tout naturellement et cela me touche encore plus.

Jean-Pierre : Qu’est ce qui vous pousse à dire que vous ne ressembliez pas à Chiara Luce ?

Aurore : Je ne sais pas, elle a vécu plein de choses …elle est devenue Bienheureuse et nous a coté…on est sur la voie, on essaie de suivre son chemin mais pour l’atteindre je pense qu’il nous reste encore un long parcours à faire. Qu’ils nous aient dit que quand ils nous voient, ils voient Chiara Luce, cela nous touchait beaucoup.

Jean-Pierre : Il y a des miracles qu’on ne voit pas. Le passage des parents de Chiara Luce a certainement crée des « miracles » auprès des parents, des jeunes et des familles de Nantes ou d’ailleurs…Quel est votre point de vue là-dessus ?

Anne Cécile
: Je pense que ces miracles je les trouve d’autant plus forts que justement ils sont discrets. Je pense que l’amour de Dieu et que la Sainteté doit se faire discrètement. C’est pas quelque chose qui doit être médiatisée. C’est la simplicité qui fait que les choses sont vraiment belles et qu’on arrive vraiment à l’amour pur et simple qu’on peut trouver. Et si plus des gens pouvaient en prendre conscience…oui on pourrait dire que les Badano pourraient devenir saints si les gens reconnaissaient cet amour simple qu’ils donnent aux autres comme un miracle.

Jean-Pierre : Chiara et maintenant Emmaüs parlent de la sainteté des peuples. Tout le monde se sanctifie comme les évangiles le disent. « Soyez tous saints comme moi je le suis »…La sainteté des peuples n’est elle pas actuellement la forme de sainteté que les jeunes et le monde attendent ?

Anne Cécile : Moi cela me rappelle ce qu’avait dit Franz, le frère de Chicca, la meilleure amie de Chiara Luce. Il nous a dit que pour lui la sainteté ne devrait pas être simplement une affaire religieuse. Je suis tout à fait d’accord avec lui du fait que tout le monde croyant ou non pourrait devenir Saint simplement en donnant de l’amour autour de lui et en faisant le bien de manière la plus simple possible. Et je pense que la sainteté ne devrait pas être privilégiée aux gens qui sont croyants et qui appartiennent à l’Eglise catholique mais aussi à tous ces bouddhistes, aux musulmans, aux orthodoxes, aux protestants et même aux non-croyants qui peuvent faire un bien fou autour d’eux. La sainteté devrait être à la portée de tous et non pas à la catégorie simple des chrétiens catholiques.

Michel : A un moment à table, Franz qui se définit comme agnostique nous disait qu’en tant qu’agnostique la sainteté c’est la possibilité pour un homme d’être cohérent avec ce qu’il a de meilleur en lui…

Catherine : Oui la cohérence avec le meilleur de soi même !…c’est quelque chose d’extraordinaire parce que cela m’est arrivé au travail de redonner cette formule avec des gens dont je ne connais pas du tout le niveau de croyance ou de foi. Et je sens que sur cette définition là les gens se retrouvent en se disant « essayons d’être cohérents envers nous mêmes pour telle ou telle action… » et je crois que les gens suivent…et c’est quand même très intéressant comme définition et d’une très belle ouverture…
C’était à mon lieu de travail et il y avait des tensions qui étaient palpables et avec une réunion des décideurs dans laquelle on avait du mal à trouver notre place. Vraiment on s’est mis d’accord en se disant que l’on va essayer de sortir les meilleurs de nous mêmes pour essayer d’arrondir tous les angles qu’on va pouvoir arrondir de façon que cette réunion se passe bien… et la réunion s’est bien passée. C’est des formules qu’on peut vraiment utiliser avec tout homme et qui nous permet de faire ensemble un pas en avant vers plus d’amour, vers plus de cohérence.

Jean-Pierre : Anne Cécile, tu devrais assister à la béatification de Chiara Luce mais il y a eu quelques problèmes au dernier moment. Comment as-tu vécu cette situation ?

Anne Cécile : Pendant que je cherchais ma carte d’identité que j’avais perdue, j’étais vraiment triste, découragée et en colère parce que je me disais ce n’était pas possible, c’est tellement important… ça vient une fois dans la vie, je ne peux pas louper ça… Et à la fin, petit-à-petit, j’ai pris le bouquin de Chiara Luce et j’ai commencé à lire le premier chapître…

Jean-Pierre : Où tu te trouvais ?

Anne Cécile : A Arny, là où on avait logé la veille avant de prendre l’avion. Je logeais chez ma marraine que je ne voyais pas depuis…que je ne voyais que très peu… Alors j’ai pris le bouquin, j’ai commencé à le lire, je me suis arrêtée et je me suis dit « vivre l’instant présent . Je n’y vais pas c’est définitif…je sens que je ne vais pas y aller.» Et j’ai senti que beaucoup de gens dans toute la France…de Lyon, de Strasbourg m’ont dit (…)«vous pouvez venir prendre le car avec nous pour aller à la béatification…»des gens que je ne connaissais pas du tout et je ne savais pas du tout comment en une matinée ils avaient pu être au courant de mon problème…et après je voyais vraiment que ça revenait trop cher. Je me suis dit c’est pas grave je vais essayer de vivre l’instant présent. Je me suis dit il y a ma marraine, je ne la vois pas très souvent alors je vais essayer d’en profiter le plus possible. J’ai vraiment passé beaucoup de temps avec eux puis le lendemain, le samedi, le jour où commençait toute la fête, j’ai réussi à atteindre tous mes amis au téléphone – parce qu’on avait été séparé brutalement-…je leur avait dit que je ne pouvais pas venir mais que tout allait bien et que je vais regarder la retransmission par internet. Puis après, pendant toute la soirée, on s’est envoyé des messages parce qu‘ils m’avaient dit qu’ils avaient le plus grand drapeau…le drapeau de la France était le plus grand de tous, et je leur disais : « il faut bouger le drapeau !! » et quand sur le grand écran j’ai vu le drapeau français bouger au fond de la salle, j’ai sentie vraiment que j’étais là bas avec eux et que eux étaient présents avec moi. C’était une émotion incroyable et je pense que je n’aurais pas pu vivre une telle émotion si j’étais partie avec eux. Au final dans du malheur il y a toujours du bonheur et j’ai passé quand même un très bon week-end.

Catherine : Il y a une question à laquelle on n’a pas répondu, celle de la sainteté des parents. C’est vrai que l’impression forte c’est quand même cette sainteté collective quand ils racontent les expériences qu’ils vivent. Parce qu’on se rend compte combien Chiara Luce les a aidés pour grandir dans la foi mais la réciprocité est aussi vraie, c’est à dire les parents ont aussi contribué beaucoup à la sainteté de Chiara Luce. Et cette réciprocité c’est vraiment une sainteté collective. On sent que c’est dans l’amour qu’ils avaient les uns pour les autres que Chiara Luce Badano est arrivée à ce niveau de sainteté. Et ça c’est une leçon pour le monde d’aujourd’hui parce que ce n’est pas une sainteté individuelle et là on l’a sentie très fort.


Jean-Pierre : Toute sainteté est elle liée à la douleur, à la souffrance ? La plupart des saints sont morts martyrs…La douleur, la souffrance sont elles des portes qui ouvrent sur la voie de la Sainteté ?

Anne Cécile : Je ne pense pas spécialement …bien sûr que beaucoup ont souffert. Mais quand je vois par exemple le récit de Chiara Luce, même dans sa souffrance, elle était heureuse et on avait l’impression que même si la souffrance physique était là, la souffrance mentale elle n’était pas là. C’est la plus importante. Et donc la souffrance n’est pas forcement quelque chose qui va avec la sainteté car dans la sainteté le plus important c’est l’esprit et si l’esprit ne souffre pas donc la sainteté reste intacte. Je pense que la sainteté c’est ce qui arrive à ne pas souffrir malgré la souffrance physique. On ne souffre pas spirituellement et intellectuellement…

Catherine : C’est surtout la capacité qu’a eu Chiara Luce de transformer cette souffrance en plus d’amour pour faire grandir l’union qu’elle avait avec Dieu. Effectivement tout homme souffre, on est confronté à la souffrance mais on arrive plus ou moins à la dépasser, à en faire un tremplin et à en faire un chemin pour aller vers Dieu. Et ça Chiara Luce a parfaitement réussi et en ça c’est un modèle pour nous.

Aurore : Moi ce qui ma beaucoup plu c’est ce moment d’intimité qu’on a eu quand le dernier soir on a fait un repas à la maison…et nous les filles qui avions cédé notre chambre aux Badano, à Chicca et à Franz…et c’est un moment qui m’a beaucoup plu…et aussi le moment où Franz est venu nous parler au focolare féminin. Il disait cela de manière drôle et ce qui nous intéressait encore plus c’est quand il a dit que si Dieu existait il y aurait un jeu entre deux et que…je me suis sentie quelque part très près de Franz parce que du côté de ma foi je ne suis pas vraiment comme tout le monde qui participait peut être…et de la manière dont parlait Franz je me suis sentie très touchée par Chiara Luce. …c’est de lui que je me suis sentie le plus proche. Ainsi il était très étonné qu’on ait pu tenir deux heures sans se déconcentrer une minute à l’attendre parler et répondre à nos questions. Cela m’a beaucoup plu cette relation avec lui…

Anne Cécile : C’était vraiment un moment assez incroyable où il y avait un lien où on était tous comme ça entrain d’écouter comme des petits enfants… et je pense que là les jeunes avaient au moins pour une fois un but sur leur foi et dans un certain sens ils comprenaient parfois le sentiment qu’avait eu Franz …et on voyait aussi comment d’un coté il nous parlait de Chiara Luce et de ses parents. On arrivait pas à croire qu’il ne pouvait pas être croyant…parce qu’en fait il ne croyait pas en Dieu mais il croyait en l’amour que propageaient Chiara Luce et ses parents et en leur force. Et c’est vraiment incroyable que l’on puisse vraiment tout partager avec lui. Que ce soit du sérieux ou du moins sérieux…Et c’était un moment très agréable à passer ensemble en sa compagnie.

Catherine : Je dirais que le passage des Badano chez nous n’était pas seulement un “moment” dans notre vie mais cela restera quelque chose qui a un goût d’éternité.

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